[Introduction à la première livraison de
2002 :]
Est-il un ami plus fidèle et plus sûr qu’un bon dictionnaire ? Et pourtant, même le meilleur souffre de trois défauts inévitables : 1. même le plus sérieux, œuvre humaine, n’est pas infaillible, 2. même le plus volumineux ne saurait tout contenir et donc est incomplet, 3. même le plus récent est dépassé, car la langue s’enrichit plus vite que ce qu’on peut écrire sur elle. Aucun des cinq grands dictionnaires ‘français-allemand’ ne traduit argent sale. Donc comment savoir si schmutziges Geld est possible ou non, s’il faut employer un autre mot et si l’on a la même traduction avec blanchiment d’argent sale (1)? Donc l’utilisateur ne doit-il pas être surpris de ne pas toujours trouver ce qu’il cherche et de ne pas toujours se satisfaire de ce qu’il trouve. Le but de cet article et des suivants est de combler, autant que possible, certaines des lacunes des dictionnaires existants, étant bien entendu que ce travail encourra les mêmes reproches que ceux que je viens de formuler. Mais qu’importe si le lecteur découvre ce qui lui manquait ou ce qui ne lui convenait pas dans d’autres ouvrages et s’il peut ainsi accroître, tant soit peu, sa connaissance de l’allemand ? Pour ce faire, il fallait une base de départ : il s’agit d’une liste de groupes nominaux français composés soit d’un substantif et d’une épithète (par exemple : âge mûr) soit d’un substantif suivi d’un complément (par exemple : abandon de famille) soit encore de deux substantifs coordonnés (par exemple : allées et venues). Cette liste d’expressions nominales (2) a été mise à ma disposition par le Directeur de la publication de la Bibliothèque des Nouveaux cahiers d’allemand (3). Pour chaque entrée, j’ai d’abord recherché si elle figurait dans les cinq dictionnaires ‘français – allemand’ les plus riches. Ce sont, par ordre chronologique : le Bertaux et Lepointe Dictionnaire français-allemand (Hachette, 1952) (abrégé en BL), le Weis-Mattutat Wörterbuch (Klett/Bordas, 1968) (abrégé en WM), le Sachs-Villatte/Weis Großwörterbuch (Langenscheidt, 1979) (SW), le Grand dictionnaire de Grappin (Larousse, 1991) (G) et le Pons Großwörterbuch (Klett, 1999) (P). Il va de soi que, le cas échéant, j‘ai consulté d’autres ouvrages, comme par exemple le Langenscheidts Wörterbuch der Umgangssprache Französisch (1992) ou le Langenscheidts Kontextwörterbuch F-D (1989). Puis j’ai recherché d’autres traductions éventuelles dans le corpus du Groupe de Lexicographie Germanique de l’Université de Nancy 2. Enfin d’autres sources (lectures ou émissions) m’ont permis parfois d’accroître le nombre de solutions possibles. Voici donc les résultats (4) : Note 1 : La réponse à ces questions se trouvera dans l’entrée ‘argent sale’ d’un prochain numéro. Note 2 : Cette liste a été établie par MM. Marc PAPIN et Jacques MAUCOURT, ingénieurs de recherche au Trésor de la Langue française (TLF), et leur départ à la retraite a coïncidé avec l’intégration du Groupe de Lexicographie franco-allemande (GLFA) dans l’UMR ATILF, héritière du TLF. Le GLFA remercie les ingénieurs PAPIN et MAUCOURT de la confiance qu’ils lui ont témoignée en lui confiant cette nomenclature en vue de toute exploitation lexicographique. Note 3 : Je remercie E. Faucher, qui m’a confié ce travail de recherche, de ses nombreuses remarques, suggestions et critiques constructives. Note 4 : Il va de soi que le but de cet article n’est pas de répéter les réussites des dictionnaires. D’un autre côté, pour rendre service aux lecteurs qui n’ont pas en leur possession ou à leur disposition ces cinq ouvrages, je citerai au moins une traduction acceptable de l’un d’entre eux pour chaque entrée. [Remarque à la fin de la première livraison :] Il ressort de cette première étude que traduction technique et traduction littéraire obéissent à des lois différentes. La première ne peut s’écarter du terme spécifique : l’acier trempé n’est pas de la fonte. En revanche, pour le traducteur littéraire, ce qui importe, ce sont au moins autant les connotations que la dénotation et c’est peut-être davantage la tonalité du morceau que le contenu. Le technicien n’a pas l’embarras du choix lexical, il est prisonnier de sa discipline. Le littéraire jouit d’une certaine liberté. C’est ce qui explique qu’il existe des traductions différentes du même texte et que, du même coup, certaines soient préférables à d’autres. [Remarque à la fin de la deuxième livraison :] Il ressort de cette étude que les traducteurs, qui connaissent bien la langue étrangère et encore mieux leur langue maternelle, dans laquelle ils traduisent et qui en plus ont l’habitude de traduire, ont finalement peu recours au dictionnaire. Ils trouvent dans leur maîtrise des deux langues suffisamment de ressources pour adapter leur traduction au contenu et au ton du texte original. On n’est dès lors pas surpris qu’ils proposent souvent d’autres solutions que celles des dictionnaires. Au risque de se laisser influencer par la langue du texte original. Peut-être la traduction «sent-elle » parfois le français. [Remarque à la fin de la sixième livraison :] L’étude des items a fait apparaître les points suivants : 1. Les dictionnaires ne s’accordent que sur les termes en quelque sorte techniques : ballon d’essai, banc d’essai, quand ces termes sont pris au sens propre. Ailleurs, il peut y avoir des divergences. 2. Sur un item donné, un dictionnaire ne saurait donner toutes les traductions possibles. Le montre la comparaison entre les propositions des dictionnaires et les solutions apportées par les traducteurs. 3. Même quand le dictionnaire offre une proposition satisfaisante, le traducteur se doit d’adapter sa traduction au texte à traduire et aux futurs lecteurs. Il en résulte que le dictionnaire est un outil indispensable, mais non la panacée. 4. Même quand le dictionnaire a fait le choix qui semble s’imposer, l’option différente retenue par le traducteur montre qu’il faut se garder d’une imitation servile, automatique, stéréotypée du dictionnaire, fût-il le meilleur. |